Le problème de l'enfer

Thomas Durand s'attaque aussi à l'enfer comme étant incompatible avec l'amour de Dieu :

« Demandons-nous quelle sorte de Dieu aurait inventé l'idée d'une éternité de souffrance en enfer pour ceux qui échoueraient à croire en son existence » (p. 32).

Nous répondrons à Thomas Durand qu'aucune personne ne va en enfer parce qu'elle s'est tout simplement trompée. La recherche honnête et authentique de la vérité est déjà le début du salut 267. D'après le Catéchisme de l'Église catholique, l'enfer est une « auto-exclusion définitive » et un « refus délibéré » d'accueillir le pardon de Dieu 268. Il ne s'agit en aucun cas d'une sorte de salle de tortures, pleine de flammes et de diablotins munis de fourches. Pour corriger cette vision fausse, il faut bien comprendre que l'enfer est avant tout un état de l'âme. Il s'agit précisément de l'état de l'âme qui se recroqueville sur elle-même et s'enfonce dans la haine de l'autre. « Celui qui n'aime pas reste dans la mort » (1 Jn 3, 14). Dieu ne jette donc personne en enfer. C'est nous qui risquons de nous y mettre tout seuls. Et cet enfer est éternel, précisément parce que les damnés ne veulent pas être pardonnés. Leur âme refuse perpétuellement de se repentir par orgueil. Devant ce refus, Dieu ne peut rien, puisqu'il a lui-même décidé de créer des hommes libres. Or, il est impossible de forcer quelqu'un à vous aimer librement. Ce serait une contradiction dans les termes ! C'est donc précisément parce qu'il est impossible de pardonner à quelqu'un qui refuse d'être pardonné que l'enfer doit être éternel. Ce n'est pas Dieu qui ferme les portes de la miséricorde aux damnés. Comme l'écrivait le célèbre C. S. Lewis, « les portes de l'enfer sont fermées de l'intérieur 269 ». L'objection de Thomas Durand ne montre donc pas que l'enfer est incompatible avec l'amour de Dieu 270.

Notes de bas de page

267 L'Église catholique affirme même que « ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d'un cœur sincère et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel » (Lumen Gentium, 16). De même, la constitution pastorale Gaudium et Spes déclare : « Nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal » (§ 22-5).
268 Le Catéchisme de l'Église catholique (§ 1033-1037) affirme la chose suivante sur l'enfer : « Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de l'aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes [...]. Mourir en péché mortel sans s'en être repenti et sans accueillir l'amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c'est cet état d'auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu'on désigne par le mot "enfer" [...]. La peine principale de l'enfer consiste en la séparation éternelle d'avec Dieu en qui seul l'homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. [...] Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu'à la fin. »
269 C. S. Lewis, The Problem of Pain, 1940 : « The doors of hell are locked on the inside. »
270 Certains objectent parfois qu'il est impossible qu'un Dieu amour et omniscient ait créé des personnes dont il savait à l'avance qu'elles allaient le rejeter et finir en enfer. Selon eux, si Dieu connaissait éternellement le futur sort de chacun, il aurait dû s'abstenir de créer ceux qui finiraient par se damner. Nous répondrons que, premièrement, il n'est peut-être pas faisable de créer un monde dans lequel tout le monde accepte librement le salut. En effet, il est logiquement impossible de forcer des personnes à vous aimer librement. Donc, il se pourrait que, dans n'importe quel monde possible rempli de créatures libres, il y en ait toujours qui rejetteront Dieu, en dépit de tous les efforts qu'il fait pour sauver chacun. Deuxièmement, même s'il était possible de créer un monde où chacun accepterait librement le salut proposé par Dieu, il se pourrait que ces mondes aient d'autres déficiences qui font qu'ils ne sont pas actualisés par Dieu (par exemple, un monde constitué uniquement de deux ou trois personnes). En somme, tant que Dieu donne la grâce suffisante à chaque personne qu'il crée, il n'y a rien d'injuste à ce que ceux qui le rejettent librement et consciemment finissent en enfer. Pourquoi leur rejet personnel et coupable devrait-il influencer l'acte créateur ? Pourquoi Dieu devrait-il se restreindre à créer un monde où le salut est accordé à tous ceux qui acceptent librement la grâce et où il est refusé à tous ceux qui rejettent obstinément son amour, par leur propre choix ?