Annexe : le miracle de Fátima
Thomas Durand décide aussi de s'attaquer au miracle longuement défendu dans le livre Dieu, la science, les preuves 214 : celui de Fátima. Connu pour la finesse et la subtilité de ses propos, notre zététicien n'hésite pas à qualifier le miracle ainsi :
« La danse du Soleil de Fátima est l'exemple même de l'histoire inutile, de l'anecdote cosmique qui plaît à ceux qui veulent croire et laisse indifférents les autres, c'est le parangon de l'échec du miracle encagoulé dans le succès populaire [...] ; c'est la pilule bleue de la croyance confortable qui instrumentalise la vie de trois petits enfants pour monter le juteux business d'un tourisme de la foi. L'histoire de Fátima est indigente et immorale 215 » (p. 340-341).
Plutôt que de présenter les faits de façon neutre et objective, Thomas Durand ne peut s'empêcher de verser dans le sarcasme en racontant l'événement : « Nous sommes alors en pleine Première Guerre mondiale. Mais Dieu ne vient pas mettre fin au conflit. Au lieu de cela, il envoie la Vierge à trois enfants illettrés occupés à faire paître les moutons de leur famille » (p. 185). Puis il se plaint du fait que les apparitions mariales n'aient pas eu d'influence directe sur le progrès de la science ou de l'humanité : « Aucune information précieuse pour l'humanité, pour la paix, pour l'avancement, le progrès, la fin des conflits religieux, n'est apportée par l'entité envoyée par le Créateur » (p. 198).
Malheureusement, Thomas Durand n'a pas compris que le but des apparitions mariales dans la théologie catholique n'est pas de faire avancer l'humanité technologiquement. Son obsession pour la science et le progrès technologique l'empêche d'envisager la beauté d'une apparition à de pauvres enfants humbles de cœur. Il perçoit les événements en étant fermé a priori à toute forme d'élévation spirituelle. Or, pour un catholique, le but d'une apparition mariale est justement d'apporter une nourriture pour l'âme, une consolation pour l'esprit, une source de motivation pour grandir en vertu et en sainteté. Dieu n'a aucun intérêt à nous apprendre des choses sur le fonctionnement matériel du monde (il nous laisse le privilège de le découvrir par nous-mêmes). La science physique ou les connaissances technologiques ne sont pas utiles pour le salut de notre âme et pour entrer dans une relation d'amour avec Dieu 216.
Un problème fondamental sur l'épistémologie du témoignage
Thomas Durand écrit :
« En matière de surnaturel ou de paranormal, un témoignage n'est pas une preuve, sans quoi seraient prouvés la télépathie, mais aussi la vie après la mort, la divination du tarot, la communication avec les ancêtres, les déambulations du yéti ou du monstre du Loch Ness, l'origine ancestrale des impossibles pierres d'Ica [...]. Et cetera. Rien n'est plus facile que de juger totalement absurdes et idiotes ces histoires. Je parie que mille témoignages ne vous convaincront pas qu'une immense guerre fait actuellement rage dans l'espace et que seuls des médiums peuvent en rendre compte grâce à leur connexion avec la Fédération galactique. Dans bien d'autres contextes, le témoignage humain est utile et précieux, mais pour affirmer l'existence d'un phénomène par ailleurs inconnu ou en contradiction avec l'état des connaissances, il ne saurait suffire » (p. 199-200).
Derrière cette affirmation se cache un véritable problème d'épistémologie du témoignage 217. C'est grâce au témoignage humain que nous avons accès à la totalité de nos connaissances. Comment savez-vous votre date et votre lieu de naissance ? Tout simplement parce que vos parents vous l'ont dit. Et vous les croyez, car ils n'ont aucune raison de vous mentir.
Comment savez-vous que l'équation E = mc2 est vraie ? Si vous n'êtes pas un physicien professionnel, vous le savez parce que votre professeur de physique vous l'a dit. La quasi-totalité de nos connaissances proviennent du témoignage humain. Par conséquent, douter a priori de sa fiabilité n'est pas rationnel. Si vous partiez de ce présupposé, alors vous ne pourriez plus rien croire (hormis les choses que vous aurez démontrées ou expérimentées par vous-même). Dès lors, l'épistémologie du témoignage nous impose de dire ceci : « Tout témoignage est fiable sauf a priori si nous avons de bonnes raisons de penser le contraire 218. » La zététique voudrait nous faire croire l'inverse : « Tout témoignage est a priori suspect, sauf preuve formelle du contraire. » Mais un tel principe nous ferait douter de presque tout !
Imaginons que vous demandiez l'heure à quelqu'un dans la rue et que cette personne vous réponde : « Il est 12 h 45. » D'après le principe de l'ultra-scepticisme, vous devriez douter de cette information, car vous n'avez pas de preuve formelle que l'inconnu à qui vous avez affaire est fiable. Le principe énoncé initialement est, au contraire, très rationnel. Il permet de rendre compte de nos connaissances de la vie de tous les jours sans tomber dans la crédulité (croire tout sur parole). Évidemment, si vous avez de bonnes raisons de supposer que le témoin en question est mal intentionné ou n'est pas très équilibré mentalement, alors il sera légitime de remettre en doute ce qu'il vous rapporte. C'est la même chose lorsqu'on analyse la crédibilité d'un miracle. Si un déséquilibré mental vous dit qu'un ange lui est apparu dans sa chambre, vous êtes tout à fait en droit de ne pas croire à ce qu'il dit : après tout, il a pu halluciner ou prendre ses désirs pour la réalité.
En revanche, prenons le scénario suivant : trois pauvres enfants illettrés affirment trois mois à l'avance le lieu, le jour et l'heure où un miracle va se produire 219. Le jour venu, trente à soixante-dix mille personnes de profils psychologiques différents sont sur place. Soudain, le soleil se met à « danser » sous leurs yeux. La foule peut le regarder directement, sans se brûler les yeux. À la fin de l'événement, croyants et anticléricaux témoignent avoir vu la même chose.
Allons-nous vraiment dire que le nombre pharaonique de témoignages concordants provenant de personnes aux divers profils psychologiques ne permet pas de pencher en faveur de l'hypothèse miraculeuse ? Non, ce serait une attitude irrationnelle. La probabilité qu'il y ait eu cette quantité de témoignages concordants si le miracle n'avait pas eu lieu serait infinitésimale, comparé à la probabilité intrinsèque relativement basse de cet événement extraordinaire.
Le principe de fiabilité du témoignage s'applique aussi sur les quelques exemples parodiques cités par Thomas Durand : « la communication avec les ancêtres, les déambulations du yéti ou du monstre du Loch Ness ». Si nous avons un nombre gigantesque de témoignages globalement concordants d'un groupe de personnes rapportant avoir été attaquées par le yéti ou un monstre sous-marin, que ces témoins sont en parfaite santé mentale et connus pour ne jamais mentir, alors leurs témoignages sont dignes de considération. Il ne faut pas les rejeter a priori, sous prétexte qu'ils nous rapportent des éléments encore inconnus sur le monde actuel. Contrairement à ce que prétend Thomas Durand, l'existence de telles choses n'entre pas en contradiction avec l'état de nos connaissances : elles apportent des connaissances supplémentaires sur le monde.
Imaginons que nous vivions à une époque où les Européens n'avaient pas encore découvert les caméléons. Supposons qu'un groupe de pionniers européens s'aventurent dans une région d'Afrique encore inconnue et observent un caméléon au cours de leur exploration. Ils annoncent alors leur découverte au monde entier : « Nous avons trouvé un animal absolument inconnu ! Il est capable de changer de couleur ! » L'épistémologie de Thomas Durand nous imposerait de réagir ainsi : « Et puis quoi encore ? Un animal capable de modifier sa propre couleur ? On n'a jamais vu ça ! C'est de la science-fiction ! Cela entre en contradiction avec l'état actuel des connaissances 220. »
En réalité, une telle épistémologie nous empêcherait d'en apprendre toujours davantage sur le monde et de faire de nouvelles découvertes. Une personne rationnelle se doit de rester ouverte à la possibilité de l'existence d'éléments inconnus sur terre, comme le yéti ou un monstre sous-marin, d'autant plus que nous connaissons très mal le fond des océans 221. De bons témoignages de personnes honnêtes, compétentes et en bonne santé mentale sont, en principe, susceptibles d'accréditer la thèse de l'existence de nouvelles choses.
Nous devons conclure la chose suivante : à moins de pouvoir nous fournir une démonstration du matérialisme ou de l'inexistence de Dieu, une personne rationnelle se doit d'être au moins « ouverte » à la possibilité d'un événement surnaturel si les éléments sont suffisamment forts pour les attester.
Retour à Fátima : un doute sur les chiffres
Concernant Fátima, Thomas Durand affiche son scepticisme sur le nombre de témoins présents sur les lieux :
« Il faudrait commencer par ne pas trop croire au chiffre de 70 000 témoins répété un peu partout, mais sans source vérifiable. Naguère, on parlait de 30 000. [...] Le journal O Seculo se contente de dénombrer au moins cent voitures et cent vélos, ce qui n'est pas très précis, mais ne plaide pas pour des chiffres immenses » (p. 206).
Nous lui répondons que le nombre de 70 000 n'a pas été inventé ultérieurement. C'est le docteur Joseph Garrett, ancien professeur de mathématiques à l'université de Coimbra qui, ayant été sur place ce jour-là, rapporta ce chiffre. Même s'il y avait eu ne serait-ce que 30 000, voire 20 000 personnes présentes sur les lieux, ce nombre resterait malgré tout gigantesque ! Que des dizaines de milliers de personnes soutiennent unanimement avoir vu le soleil danser, cela est extraordinaire. Du reste, Thomas Durand oublie de comptabiliser tous ceux qui sont venus à pied (la majorité), alors que le quotidien O Século se contente de retranscrire le nombre de vélos et de voitures dans l'article en question. Tous les journaux s'accordent à dire qu'un événement majeur a eu lieu et qu'il n'existe, à notre connaissance, aucun témoignage de personnes sur les lieux ayant déclaré n'avoir rien vu ou avoir assisté à un canular.
Toutefois, cela n'est apparemment pas suffisant pour notre zététicien qui, en bon scientiste, se plaint d'un manque de preuves supplémentaires, en particulier de vidéos ayant capturé le phénomène : « Du jour J, nous n'avons aujourd'hui aucun enregistrement sonore ni vidéo, ni image du phénomène solaire en dépit de la présence de nombreux journalistes et photographes » (p. 209). Nous lui répondons que les photographies de la foule fixant le soleil suffisent amplement. De plus, il n'est pas certain que le miracle eût pu être filmé, car le soleil n'a pas réellement bougé. Il est possible que le miracle réalisé par la Vierge ait consisté à créer une impression visuelle collective et visible sur plusieurs dizaines de kilomètres aux alentours 222. D'ailleurs, aucun appareil photographique de l'époque n'aurait vraisemblablement pu produire une photographie nette de l'astre solaire, faute de contraste suffisant.
Contestation de la corroboration des témoignages
D'après Thomas Durand,
« il est faux de dire que tous les gens présents en furent témoins. L'auteur Kevin McClure publie une enquête sur les apparitions mariales [de Fátima] en 1983, où il relate l'extraordinaire hétérogénéité des témoignages : "Je n'ai jamais vu une telle collection de comptes-rendus contradictoires dans aucun des cas sur lesquels j'ai enquêté ces dix dernières années. Pour cause, en bonne partie : presque rien n'a été écrit sur Fátima avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la plupart des commentaires catholiques datent des années 1950. Il n'est pas idéal de commencer à écrire sur un événement seulement trente ans plus tard. En outre, le matériel original publié au moment des visions s'est par la suite confondu avec le contenu des mémoires publiées par Lucia en 1942." Selon McClure, moins de la moitié des gens présents ont effectivement vu un phénomène solaire. Et leurs descriptions ne correspondent pas. Le Soleil a fait un tour sur lui-même ou s'est déplacé en zigzag. Il s'est entouré de flammes jaunes et pourpres ou bien est passé du jaune au bleu puis au blanc. Il s'est irisé comme une perle, ou bien il est tombé. Il s'est effondré vers la Terre avant de remonter. [...] Les témoins donnent des descriptions variées qui seront par la suite rassemblées en un récit censé être représentatif mais que personne sur place n'a vu. [...] Ceux qui n'ont rien vu ne l'ont pas crié sur les toits, bien sûr. Et il est sans doute utile de souligner que parmi ceux qui étaient présents mais n'ont pas observé ce miracle du Soleil, se trouve... Lucia en personne, qui répondit au père McGlynn en 1947 : "Moi je n'ai rien vu." » (p. 209-211).
Le négationnisme historique de Thomas Durand est flagrant. Premièrement, il est totalement faux d'affirmer que « presque rien n'a été écrit sur Fátima avant la fin de la Seconde Guerre mondiale ». On n'a pas attendu 1945 pour commencer à écrire sur l'événement. Les journaux locaux l'ont bel et bien relaté dans leurs colonnes dès le lendemain. Il suffit de lire la presse écrite de l'époque (voir la revue de presse citée dans le livre Dieu, la science, les preuves 223). Les journaux anticléricaux ont été contraints de reconnaître que quelque chose s'était bien passé. Avant les écrits de Kevin McClure en 1983, nul n'avait osé émettre l'hypothèse selon laquelle certaines personnes n'avaient rien vu 224.
Deuxièmement, il est faux de soutenir que moins de la moitié des gens présents ont vu le phénomène. Nous ne cessons de le répéter : les meilleures sources historiques sur ce miracle rapportent qu'il a été observé par la foule entière. Si ce que disait McClure était vrai, alors nous aurions sûrement une grande quantité de témoignages contestant la version officielle des faits relatée dans la presse, notamment dans les journaux anticléricaux et influents du Portugal de l'époque. Or, il n'existe pas de version contestataire rapportant qu'il s'agissait d'un canular.
Troisièmement, le fait que les témoins donnent des descriptions légèrement différentes du phénomène (déplacement du soleil en zigzag, tour sur lui-même, rapprochement de la terre) ne remet pas en cause l'authenticité du miracle, bien au contraire. Il est tout à fait normal, dans une enquête, d'avoir des témoignages légèrement différents provenant de personnes ayant assisté au même fait. Il serait même louche que tous aient donné exactement la même version des faits au détail près. Les enquêteurs de police le savent très bien : si les témoins interrogés livrent rigoureusement le même récit, il y a une suspicion évidente de complot. En effet, il serait très suspect de retrouver des milliers de témoignages absolument identiques en tous points, sans omettre aucun détail secondaire. Au contraire, les enquêteurs cherchent à ce que les versions données par les individus soient globalement concordantes car ils savent bien que, lorsque les gens rapportent des témoignages véridiques, il est fréquent qu'ils divergent beaucoup sur les détails secondaires. Mais cela ne remet pas en cause leur fiabilité générale. Cela montre à l'inverse que chacun donne une perspective différente du même événement. Bien loin d'être un argument contre la fiabilité des témoignages, les quelques dissimilarités entre les récits penchent au contraire en faveur de l'authenticité générale du miracle. Une chose est sûre : tout le monde a vu le soleil bouger et changer de couleur.
La prétendue « incohérence » de sœur Lucie
Thomas Durand insiste sur un point : si la « légende de Fátima » a vu le jour, c'est parce que la version des faits de Lucia n'a jamais varié au fil du temps. Mais le zététicien cherche à montrer le contraire, en certifiant que le discours de la petite voyante n'a pas toujours été le même (p. 211-214).
Remarquons au passage que, même si le témoignage de Lucia avait contenu des incohérences, cela n'aurait rien changé au fait que la danse du soleil a été observée par la foule et prédite trois mois à l'avance. Même si son discours avait manqué de fiabilité, cela n'aurait eu absolument aucune influence sur l'événement qui s'est bel et bien produit. Cela montrerait juste qu'elle a une mauvaise mémoire ou qu'elle manque de précision. Thomas Durand fait donc un complet hors sujet : il tente de noyer le poisson en abordant un sujet annexe pour masquer son impuissance à expliquer sérieusement le phénomène.
Rien à expliquer ?
« Comme la légende veut que la Vierge n'était visible qu'aux trois enfants, les sceptiques n'ont rien à expliquer. Soit on y croit, soit on juge prudent de se souvenir que les enfants, parfois, inventent des histoires » (p. 214).
Bien au contraire, le sceptique doit expliquer comment des dizaines de milliers de personnes aux profils psychologiques différents ont pu voir en même temps le soleil danser. Comment des anticléricaux et de fervents croyants ont-ils pu voir la même chose ? Comment le soleil a-t-il pu sécher quasi instantanément le sol sans que les gens soient incommodés par cette subite chaleur ? Comment la foule pouvait-elle regarder l'astre sans se brûler la rétine ? Comment les enfants ont-ils pu prédire longtemps à l'avance le jour et l'heure du phénomène ? Le fait que Lucia ait vu la Vierge ou non n'a absolument aucun rapport avec le miracle du soleil. Encore une fois, Thomas Durand ne démontre rien, hormis le fait qu'il maîtrise le hors-sujet.
Nous pouvons raisonner de la manière suivante pour tenter d'énumérer toutes les explications possibles :
-
Des dizaines de milliers de personnes rapportent avoir vu le soleil danser le 13 octobre à Fátima (fait historique).
-
Soit il s'est passé quelque chose, soit il ne s'est rien passé.
-
S'il ne s'est rien passé, soit les gens ont tous menti, soit ils n'ont pas tous menti et, dans ce cas-là, ils ont halluciné (hypothèse du mensonge ou de l'hallucination collective).
-
S'il s'est passé quelque chose, il s'agissait soit d'un phénomène naturel, soit d'un phénomène surnaturel.
-
S'il s'agissait d'un phénomène naturel, soit le soleil n'a pas bougé, soit il a vraiment bougé (hypothèse du déplacement orbital).
-
Si le soleil n'a pas bougé, soit il s'agissait d'un phénomène météorologique exceptionnel inconnu qui a donné cette impression, soit il s'agissait d'autre chose (ici, on ne peut que proposer l'hypothèse farfelue des extraterrestres).
On peut réduire les explications possibles à sept hypothèses :
-
L'hypothèse du mensonge collectif
-
L'hypothèse du déplacement orbital
-
L'hypothèse du phénomène météorologique inconnu
-
L'hypothèse de l'hallucination collective
-
L'hypothèse de l'intervention des extraterrestres
-
L'hypothèse du phénomène surnaturel
-
L'hypothèse du miracle
Voyons à présent pourquoi les hypothèses matérialistes échouent.
a. Un mensonge collectif
L'hypothèse du complot généralisé est intenable, car il est impossible que soixante-dix mille personnes se soient toutes mises d'accord pour mentir sans qu'il n'y ait eu la moindre fuite. De plus, des anticléricaux et francs-maçons étaient sur place, et leur seul but était de ridiculiser l'Église en montrant que le miracle n'aurait pas lieu. Ils étaient justement venus sur les lieux pour tout réfuter.
b. L'hypothèse du déplacement orbital
Cette hypothèse échoue aussi, car aucune activité inhabituelle de l'astre solaire n'a été relevée par les scientifiques. Ceux-ci s'accordent sur le fait que le phénomène n'a pas été de nature astronomique. Si le soleil était vraiment sorti de son orbite pour se rapprocher de la Terre, cela aurait généré un « coup de chaud » soudain et on aurait eu écho du phénomène tout autour du globe, pas uniquement à des dizaines de kilomètres à la ronde. Les astrophysiciens qui se sont penchés sur la question n'ont pas hésité à rejeter ouvertement l'hypothèse d'un quelconque déplacement orbital. Stanley Jaki, ancien professeur de physique à l'université Seton Hall, écrit justement que, « si le soleil avait bougé en tous sens dans le ciel et foncé sur la Terre, les effets gravitationnels sur tout le système solaire auraient été énormes et dévastateurs 225 ». C'est un argument de bon sens, qui permet vite d'écarter cette hypothèse délirante du cataclysme cosmique.
Il est également impossible d'expliquer cet événement en prétextant une éclipse solaire, puisqu'il aurait été facile de la voir grâce à l'observatoire situé un peu plus loin, près de la capitale. De plus, déjà à cette époque, les scientifiques savaient très bien prévoir les éclipses solaires ; si donc il y en avait eu une, cela ne leur aurait pas échappé. Du reste, beaucoup de personnes présentes avaient déjà assisté à une éclipse solaire (qui avait eu lieu dix-sept ans plus tôt dans la région) et ont témoigné que le phénomène qu'elles venaient d'observer n'avait rien à voir avec une éclipse. Enfin, il nous faut ajouter que, lors d'une éclipse solaire, la température chute fortement et de façon quasi instantanée, ce qui ne fut pas le cas à Fátima, puisque les témoins ont, au contraire, affirmé avoir ressenti une augmentation non négligeable de celle-ci (d'où l'assèchement du sol détrempé et des vêtements des témoins, ce qui permit notamment de sécher le sol boueux et détrempé par la pluie, ainsi que les vêtements de la foule, ce qui aurait, à l'inverse, été impossible en cas de refroidissement).
c. L'hypothèse d'un phénomène météorologique inconnu
Cette hypothèse ne tient pas. Comment trois petits enfants sans aucune instruction auraient-ils pu prévoir trois mois à l'avance qu'un phénomène inconnu se produirait et en prédire le lieu, le jour et l'heure ? Même si un phénomène météorologique exceptionnel pouvait expliquer ce qui s'est passé, il est impossible qu'il ait pu être annoncé trois mois plus tôt, à une heure précise, par trois petits paysans illettrés. Pio Scatizzi écarte d'ailleurs l'idée d'un phénomène météorologique inconnu et pense pouvoir réduire le champ des possibles à deux hypothèses :
« Les phénomènes solaires [...] n'ont été observés dans aucun observatoire. Or, il est impossible qu'ils aient pu échapper à l'attention de tant d'astronomes et même des autres habitants de l'hémisphère [...]. Il n'est pas question d'un phénomène ou d'un événement astronomique ou météorologique [...]. Soit tous les observateurs à Fátima ont été collectivement trompés et ont commis une erreur dans leur témoignage, soit nous devons supposer une intervention extranaturelle 226. »
Cette hypothèse n'explique pas non plus l'évaporation de l'eau sur les témoins et sur le sol. Selon De Marchi, « les ingénieurs qui ont étudié ce cas ont estimé qu'une quantité incroyable d'énergie aurait été nécessaire pour assécher, en quelques minutes, les flaques d'eau qui avaient été formées sur le terrain, comme cela a été signalé par des témoins 227 ». Si un phénomène météorologique avait généré une telle chaleur, les gens auraient probablement ressenti un « coup de chaud » assez brutal, voire mortel, ce qui ne fut pas le cas. Enfin, cette hypothèse n'explique pas comment de nombreux témoins ont rapporté leur étonnement de pouvoir fixer le soleil de longues minutes sans douleur ni dommage aux yeux.
d. Une hallucination collective ou une impression visuelle naturelle
D'aucuns pensent qu'il s'agit d'une hallucination collective. Malheureusement pour eux, les conditions pour que ce soit effectivement le cas n'étaient pas réunies. En effet, au moins un tiers des témoins était des anticléricaux venus à Fátima, bien décidés à recueillir la preuve de la supercherie des apparitions. Parmi eux, il y avait notamment Avelino de Almeida, le rédacteur en chef du grand quotidien libéral de Lisbonne, O Século. Il était venu dans le but de « démonter Fátima », comme il l'explique dans un article paru le matin même. Pourtant, il vit le phénomène et admit n'avoir pas été l'objet d'une hallucination. Aussi, dans le numéro du 15 octobre de O Século, il ne put que décrire le phénomène dont il avait été témoin. Comment croire qu'une hallucination collective puisse concerner soixante-dix mille personnes à la fois, de convictions idéologiques différentes ? Ce serait vraiment un phénomène unique, car il fut impossible de trouver ne serait-ce qu'une personne pour affirmer qu'elle n'avait rien vu. De plus, comment expliquer le fait que les habitants du petit village d'Alburitel, situé à une quinzaine de kilomètres du lieu des apparitions, aient pu voir et décrire exactement le même phénomène ? Il faut aussi rappeler qu'à l'issue de l'événement, les témoins, qui étaient trempés jusqu'aux os (car il avait plu la nuit précédente et toute la matinée), constatèrent que leurs vêtements étaient complètement secs. Comment les vêtements de dizaines de milliers de personnes ont-ils pu sécher en à peine dix minutes ? L'hypothèse de l'hallucination collective est incapable d'expliquer cela.
D'ailleurs, Thomas Durand reconnaît lui-même que l'hypothèse des hallucinations collectives est peu crédible :
« Il est difficile d'imaginer qu'une foule de milliers de personnes puisse voir quelque chose qui n'est pas là. En dehors de rituels chimiquement assistés, les hallucinations collectives semblent hautement improbables » (p. 200).
Malheureusement, il semble qu'il se contredise plus loin en envisageant sérieusement une hypothèse de type hallucinatoire :
« Alors quand quelqu'un (Lucia peut-être, mais rien n'est moins sûr) a dit "regardez le Soleil !", les milliers de paires d'yeux qui se sont dirigées vers cette source lumineuse étaient en demande criante de surnaturel. Il suffit d'un indice, d'une suggestion, d'une anomalie ou d'une illusion pour créer une perception d'autant plus contagieuse que les premiers à l'éprouver s'empressent de dire aux autres ce qu'ils doivent trouver » (p. 215-216).
Jolie plaisanterie ? Thomas Durand voudrait donc nous faire croire qu'un simple cri tel que « regardez le Soleil ! » suffirait à convaincre des dizaines de milliers de personnes dont un bon nombre de sceptiques et d'anticléricaux que le soleil est vraiment en train de danser. Cela n'est absolument pas crédible. Penser qu'une exclamation enthousiaste puisse convaincre des anticléricaux parfaitement athées est non seulement une tentative désespérée pour nier l'évidence, mais cela n'expliquerait pas non plus comment le phénomène ait pu être vu à des dizaines de kilomètres de là 228.
Persistance rétinienne ?
Thomas Durand tente alors une explication fondée sur une impression visuelle naturelle, le phénomène de la persistance rétinienne :
« Plateau a découvert le phénomène de la persistance rétinienne. Un objet très lumineux laisse une empreinte dans notre champ de vision qui apparaît d'une couleur différente de la source lumineuse d'origine. À cela s'ajoute un phénomène de protection de la rétine : les yeux bougent constamment pour éviter d'exposer toujours la même zone au fort rayonnement. Dès lors, l'image du Soleil se déplace sur la rétine, ce qui peut donner l'impression que le Soleil "danse". En outre, apparaissent plusieurs images rémanentes de différentes couleurs. Au milieu d'une foule qui crie au miracle, cette perception inhabituelle peut vous convaincre que vous êtes en présence de quelque chose de fabuleux » (p. 216).
L'hypothèse de la persistance rétinienne est peut-être l'une des plus grossières qu'on puisse imaginer. Si ce phénomène pouvait générer ce type d'illusion, alors on devrait s'attendre à ce qu'elles se produisent quotidiennement lorsque les gens regardent le soleil. Or, Fátima est précisément un cas unique. Comment se fait-il que les gens ne voient pas le soleil danser lorsqu'ils le regardent d'habitude ? Pourquoi le phénomène de la persistance rétinienne s'applique-t-il uniquement au cas de Fátima et non dans la vie quotidienne ? Telle est la question à laquelle Thomas Durand ne répond pas.
Ajoutons que regarder le soleil directement peut entraîner rapidement de très graves lésions. Or, aucune infirmité de ce type n'a été rapportée. Par ailleurs, cette hypothèse n'explique pas non plus le fait que les habitants des villages alentour aient observé eux aussi le phénomène, eux qui n'avaient aucune raison de regarder le soleil à ce moment.
D'ailleurs, dans sa vidéo sur Fátima, Thomas Durand cite l'exemple de Joseph Plateau devenu définitivement aveugle après avoir regardé le soleil pendant 25 secondes en 1829. Visiblement, il n'est pas venu à l'esprit du zététicien que cette infirmité constitue, en réalité, un magnifique contre-argument à sa thèse, étant donné qu'aucun cas de cécité à Fátima n'a été recensé, et ce, alors que des milliers de personnes ont regardé le soleil pendant plusieurs minutes. L'hypothèse irrationnelle de Thomas Durand s'effondre une fois de plus.
e. L'hypothèse des extraterrestres
Toutefois, Thomas Durand pense pouvoir mieux s'en tirer en postulant l'existence d'un phénomène réel : celui des extraterrestres ! Il présente la thèse du contre-amiral Pinon selon qui
« l'aspect virginal du phénomène serait un camouflage délibéré de leur part [les extraterrestres]. Si les extraterrestres sont venus déguisés en jeune fille, c'est pour utiliser une religion humaine afin que leur visite soit prise au sérieux, dans le projet d'un contact à nouer à plus long terme [...]. Le camouflage en apparition mariale fait partie d'un plan en attendant que les êtres humains soient "moralement et intellectuellement préparés" à la vraie rencontre. » (p. 204.)
D'après Thomas Durand, l'hypothèse des extraterrestres est plus crédible que l'apparition mariale car « cette explication ne mobilise aucune entité en décalage avec le fonctionnement du monde tel que nous le connaissons. [...] C'est très peu probable, mais cela ne viole pas nos connaissances sur l'univers. S'il fallait parier sur ces deux possibilités à l'exclusion de toute autre — ou bien la Vierge ou bien les extraterrestres —, les zététiciens, les sceptiques et la majorité des rationalistes prendraient l'option extraterrestre. » (p. 205.)
On ne saurait dire si cette suggestion prête à rire ou à pleurer, et c'est un comble que Thomas Durand la reprenne en lui donnant un tel crédit. Comment croire que des extraterrestres soient apparus, déguisés en Vierge, à des petits enfants illettrés, en leur annonçant un événement extraordinaire trois mois plus tard 229 ? Pire, comment expliquer le fait que la foule ait pu fixer le soleil pendant de longues minutes sans avoir de graves lésions aux yeux et que le sol détrempé ait séché en quelques instants sans qu'elle ne soit incommodée par l'excès de chaleur généré ? Enfin, l'idée que l'hypothèse religieuse soit « en décalage avec le fonctionnement du monde » n'est pas du tout établie et ne tient qu'à son matérialisme biaisé et borné.
L'hypothèse des extraterrestres n'explique pas cela. Elle est complètement ad hoc et conçue pour une seule raison : éviter à tout prix une explication surnaturelle.
Bilan
En conclusion, Thomas Durand n'a donc pas réussi à réfuter le miracle de Fátima. Toutes les explications alternatives qu'il propose sont ad hoc et peu crédibles. Son scientisme et son matérialisme l'empêchent de considérer une seule seconde qu'il puisse y avoir une hypothèse unificatrice qui puisse rendre compte simplement de l'ensemble des faits : un miracle réalisé par Marie, en vue de la conversion des cœurs.